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Fait marquant

Paysage du goût




Nous avons développé une nouvelle approche qui, grâce à sa simplicité, pourrait conduire au développement de langues artificielles fiables et peu onéreuses, pour l’agroalimentaire, l'analyse de l’environnement ou le domaine de la santé.

Publié le 5 octobre 2012
De la même façon que les nez électroniques sont capable d’analyser des gaz (odeurs), les langues électroniques sont dédiées à l’analyse des liquides et trouvent de plus en plus d'applications dans l’industrie agroalimentaire, l'analyse de l’environnement et le domaine de la santé. Ces dispositifs s’inspirent des procédures physiologiques du goût, à partir de capteurs intégrant différents composés, souvent longs à fabriquer. Avec l’IBS et l'Université Paris-Sud, nous avons mis au point une méthode novatrice qui simplifie grandement la conception de ces langues électroniques, en s'inspirant de la façon dont des protéines sont reconnues par les héparanes sulfates (sucres complexes naturels) présents à la surface des cellules.

Nous utilisons une méthode combinatoire évitant la préparation de nombreuses molécules différentes utilisées classiquement pour les langues électroniques. Nous utilisons seulement deux petites molécules, que nous mélangeons avec des proportions variables. Imaginons par exemple que l’on fabrique onze de ces mélanges (typiquement le premier avec 10% de molécule 1 et 90% de molécule 2, etc.) Des gouttes de chacune de ces onze solutions sont déposées sur un substrat. Elles créent ainsi un réseau de plots ou capteurs par auto-assemblage des molécules en monocouche.

Figure 1 : Profil et paysage du goût. Un profil continu (en bas à droite) de la chimiokine CXCL12-a (une protéine agissant sur les cellules du système immunitaire) est construit par l’évolution de la réflectivité mesurée par SPRi en fonction du % relatif des deux briques de base constituant les plots. Grâce au temps réel permis par la technique SPRi, on peut également construire un paysage 3D (en haut à droite) qui reflète les cinétiques d’adsorption et de désorption protéine/plot. Ceci fournit un élément de discrimination supplémentaire, utile notamment pour l’analyse des mélanges.

Les récepteurs combinatoires ne sont pas spécifiques (au contraire des biopuces classiques à ADN). La langue artificielle produit en contact avec un liquide à « gouter », un ensemble de onze signaux qui constitue la signature (le gout) du produit testé. On obtient ainsi un « profil 2D ou 3D » caractéristique. Par exemple, nous avons pu avec cette langue et ses onze plots distinguer des chimiokines de structures très voisines. Si plusieurs protéines sont présentes simultanément dans le produit à tester, le "goût" du mélange peut être décomposé en ses composantes individuelles et chaque protéine reconnue. Pour l’instant nous avons avec succès obtenu la signature du vin, du lait, de la bière. Nous avons aussi suivi le vieillissement de certains produits comme le lait.

Nous avons vu que deux molécules produisent onze récepteurs combinatoires pour onze signaux. En passant de 2 à 3 molécules différentes dans la composition des plots, on multiplie par 6 le nombre de récepteurs combinatoires distincts et on affine d’autant la sensibilité de la langue pour reconnaitre des protéines très similaires.

Figure 2 : Schéma de fonctionnement de la langue électronique. La solution contenant les protéines est apportée par la cellule microfluidique au voisinage des plots de la langue, tous différents (Figure 1). Les molécules adsorbées modifient les conditions d’absorption de la lumière produisant, en temps réel, une image SPR.

La détection du signal est réalisée par une technique déjà connue mais jamais utilisée dans ce domaine, l’imagerie par résonance de plasmons de surface (SPRi) ; le substrat est un prisme optique recouvert d’une fine couche d’or dans laquelle les mouvements collectifs des électrons (plasmons) sont modifiés chaque fois qu’une protéine s’adsorbe sur l’un des capteurs. Cette modification est mesurée optiquement. Les avantages de cette technique sont nombreux : pas besoin de marqueur fluorescent ou radioactif, lecture en parallèle et en temps réel de tous les plots.

Grâce à sa simplicité, cette nouvelle approche pourrait conduire au développement de langues artificielles fiables et peu onéreuses, pour l’agroalimentaire, l'analyse de l’environnement ou le domaine de la santé.

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