Les développeurs cherchent à mesurer en temps réel des paramètres critiques des batteries Li-ion comme la température, la pression, le potentiel électrochimique et les réactions internes. Comprendre les performances, prédire la dégradation, assurer la sécurité et améliorer la durée de vie des batteries sont des défis majeurs. Deux méthodes existent pour y parvenir : utiliser des capteurs internes, ou bien sonder tout le système au moyen des rayons X.
Un collectif international de chercheurs impliquant des spécialistes des rayons X du SyMMES, et des spécialistes des capteurs du CEA-Liten [Collaboration] ont combiné ces méthodes pour une expérience unique au synchrotron ESRF (European Synchrotron Research Facility) de Grenoble. Cette collaboration s'exerce dans le cadre des projets européens BIGMAP et INSTABAT, concernant le fonctionnement des batteries. Or, l’insertion de capteurs dans une batterie est une opération délicate, car leur présence peut modifier les processus qu'ils mesurent, d’autant plus quand ils sont soumis à des conditions extrêmes.
Les chercheurs ont équipé une cellule commerciale de capacité 1,1Ah avec deux capteurs : une fibre optique pour contrôler la température et une électrode de référence pour les mesures des potentiels électriques. Pour observer en cours de fonctionnement la lithiation/délithiation de l’électrode en graphite, cette cellule est traversée par un faisceau de rayons X, au sein du synchrotron ESRF.
Les chercheurs ont réalisé des mesures pendant quatre jours, avec différents cyclages et régimes de courant. « Les techniques dites de scans aux rayons X connaissent un essor notable ces dernières années, explique Sandrine Lyonnard, co-signataire de l'article et spécialiste au SyMMES des études
operando. Ceci car les batteries sont des systèmes hétérogènes, où il est important de déterminer l'évolution des matériaux à l'échelle atomique, tout en cartographiant les structures dans toute l'épaisseur de leurs composants.»
Les résultats montrent que la fibre optique ralentit la lithiation locale sans affecter les performances globales, très probablement à cause de l’encombrement de la fibre qui déforme l’empilement des couches de l’électrode. « Nous avons montré que la présence de la fibre optique ralentissait le processus de lithiation à proximité immédiate, précise Annabel Olgo, première auteure de l’article et doctorante au SyMMES, qui a analysé les données. Sur la durée de nos essais, l’impact était très local et ne dégradait pas les performances électrochimiques. Mais peut-être cette altération survient-elle après plus de temps, ou peut-être l’accumulation et la métallisation du lithium provoquent-elles un court-circuit. Des essais en vieillissement pourraient le confirmer. »
« Jamais une cellule Li-ion instrumentée avec des capteurs internes n'avait été observée en fonctionnement avec un tel niveau de précision », souligne Olivier Raccurt, autre co-signataire de l'article et physicien spécialiste des capteurs au CEA-Liten. Le traitement des données acquises en temps réel a ensuite nécessité un an de travail.
Ces travaux sont cruciaux pour les industriels qui développent des batteries. Ils permettent de tester et d’évaluer l’impact des capteurs internes sur les performances des batteries.
Enfin, cette avancée confirme l’importance des outils de caractérisation du synchrotron pour le diagnostic des batteries. Les chercheurs ont relevé un défi technique majeur en observant une cellule de 1 cm d'épaisseur et contenant plusieurs enroulements, nécessitant un faisceau X énergétique et concentré.
À l'avenir, ces mesures pourraient être appliquées en 3D grâce à la tomographie, aidant les industriels à mieux surveiller, contrôler et réparer les batteries.
Collaboration
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Institut de chimie de l'université de Tartu, Estonie
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ESRF (European Synchrotron Radiation Facility) Grenoble
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Institut Néel CNRS, Grenoble
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LEPMI (Laboratoire Electrochimie et Physicochimie des Matériaux et des Interfaces) CNRS, Grenoble