La pile à combustible à membrane échangeuse de protons, PEMFC en anglais, convertit l'énergie chimique en électricité pour la prochaine génération de véhicules propres. Parmi les nombreuses caractéristiques attrayantes des PEMFC, les constructeurs apprécient une densité de puissance élevée et un démarrage rapide. Cette révolution nécessite de remplacer le cœur des piles actuellement constitué d'une membrane perfluorée sulfonée, telle que le Nafion
®, qui ne répond plus aux exigences : le coût de la nouvelle membrane, son impact environnemental et le maintien de ses propriétés mécaniques au-delà de 80-100 °C sont au cœur des recherches actuelles. Or, les membranes alternatives, comme par exemple le sPEEK, présentent deux inconvénients majeurs par rapport aux membranes perfluorées : leur durée de vie est plus courte et leurs performances sont moindres. Cette problématique est actuellement étudiée par les chercheurs de l'Irig dans l'optique de développer une membrane qui permettra un déploiement généralisé des piles à combustible.
Le sPEEK, bien que résistant aux températures élevées grâce à ses excellentes propriétés thermomécaniques, reste cependant trop sensible à l'oxydation chimique pendant le fonctionnement en pile. Cette sensibilité entraîne une dégradation drastique de sa durée de vie (quelques centaines d'heures, à comparer aux dizaines de milliers d'heures pour le Nafion
®). Toutefois, le sPEEK est un bon candidat pour évaluer rapidement des stratégies de stabilisation. Ainsi, nous avons employé une méthode jusqu'alors très peu explorée qui consiste à stabiliser chimiquement les membranes. Pour cela, l’hybridation a été appliquée avec succès aux membranes sPEEK
[1], ce qui améliore leur stabilité chimique. Une phase sol-gel a été développée par auto-condensation du MPTMS au sein de la membrane hôte sPEEK afin de la protéger des espèces oxydantes générées lors de l'utilisation en pile. Il s'agit d'une voie stabilisante sacrificielle où les groupes thiols SH, portés par la phase sol-gel, peuvent être oxydés jusqu'à la formation de groupes acides sulfoniques SO
3H. Cette stratégie, en rupture avec les approches traditionnelles, a permis de concevoir une nouvelle génération de membranes hybrides dotées de capacités d'auto-protection et d'auto-amélioration
operando.
Nous avons cherché à comprendre la structure complexe de ces membranes afin de la corréler aux propriétés fonctionnelles et à la durabilité pour,
in fine, en optimiser le design
[2]. La nanostructure a été explorée à une échelle allant du nanomètre à la centaine de nanomètres, en combinant des techniques de caractérisation AFM/3D FIB-SEM (espace réel) et de diffusion des neutrons aux petits angles (SANS) / et des rayons X aux grands angles (WAXS) (espace réciproque). Les images AFM en module ont montré que la phase sol-gel est distribuée en grands domaines sphériques dont la taille varie de 100 nm à 200 nm selon la teneur en sol-gel. Le SANS (Institut Laue-Langevin à Grenoble), combiné à la technique de variation de contraste, a permis deux observations importantes : d'une part, les canaux ioniques du sPEEK ne sont pas obstrués (conduction ionique préservée) car ils sont seulement comprimés par l'insertion de la phase sol-gel ; d’autre part cette phase a une structure de type multi-échelle, comme des agrégats constitués de particules élémentaires (
Figure 1). Ces observations montrent que les nanoparticules de sol-gel se développent dans les zones appelées « interbundles » de la membrane sPEEK hôte (
Figure 2).
Cette étude expérimentale pluridisciplinaire et multi-échelle a permis d'aborder la question de la distribution et de la localisation idéale de la phase sol-gel pour une efficacité de la stabilisation chimique. Les perspectives de ces travaux consistent à explorer l'hybridation par une phase sol-gel stabilisante régénérative, une voie très prometteuse pour accroître la durée de vie des membranes.
Figure 1. Image AFM en module d’une membrane hybride contenant environ 30 % de phase sol-gel (haut). Sous la loupe, un agrégat de sol-gel sphérique constitué de particules élémentaires sphériques.
Figure 2. Modèle structural multi-échelle des membranes hybrides.