La dégradation prématurée de la capacité des batteries Li-ion a plusieurs causes. Pour les trouver, les chercheurs analysent précisément le (dis)-fonctionnement de la batterie au fil du temps. Grâce à la combinaison de techniques d’imagerie neutronique et de tomographie X, réalisées à l’ILL et à l’ESRF à Grenoble, une équipe internationale de chercheurs impliquant le SyMMES/STEP [collaboration] est parvenue à observer en temps réel les changements microstructuraux à l'intérieur des cellules cylindriques à haute densité énergétique constituant la batterie. Ainsi, ils ont identifié dans l'anode silicium-graphite des déformations causées par le silicium introduit au cours de la fabrication par voie humide. En effet, ces agrégats de silicium, d’une taille supérieure à 50 microns, altèrent la structure et le fonctionnement interne des cellules. Il est donc nécessaire de contrôler rigoureusement la fabrication des électrodes afin d'éviter l'accumulation de tels agrégats.
Afin de réaliser des analyses précises, plusieurs techniques de tomographie ont été utilisées sur des cellules cylindriques de batteries lithium-ion de qualité industrielle à base de silicium. Après plusieurs cycles de fonctionnement, les baisses du niveau de recharge des batteries depuis l’état neuf ont conduit à inspecter les composants internes. Les examens ont révélé des déformations macroscopiques de la structure en spirale du collecteur de courant en cuivre (voir
image). Ces zones de déformations perdent pratiquement toute microporosité et ne se rechargent plus efficacement, car les voies de diffusion du lithium sont fortement entravées. Les images montrent des zones excessivement chargées en silicium, et mettent en évidence la présence de lithium piégé près des interfaces anode-séparateur. Or ces défauts préexistent dans les cellules neuves dès le cycle initial de charge-décharge.
Des recherches plus approfondies permettent d'établir que les zones défectueuses sont dues aux agrégats de silicium formés lors de la fabrication de l'électrode. Pendant la première lithiation, les agrégats les plus gros se dilatent très fortement, et irréversiblement, déconnectant une partie de la matière active et nuisant ainsi à la capacité totale de la batterie avant même sa première utilisation. Toutefois, en dessous d'une certaine taille d’agrégat, autour de 50 µm de diamètre dans le cas du matériau étudié, l'anode conserve son intégrité et ne cause pas de dommages mécaniques à la cellule. Les défauts sont alors minimes.
Cette étude a montré que la nucléation de gros agrégats dans l'anode provoque des dommages internes de la cellule de la batterie. Cela se traduit par une perte de capacité ou de potentiel de la batterie. La proportion défaillante au sein d’une cellule représente moins de 10% de la capacité totale. Mais ces déformations pourraient causer des problèmes plus importants en cherchant à optimiser la capacité de l’anode à partir d’autres matériaux plus fortement enrichis en silicium. Il est donc recommandé d'accorder une attention particulière au processus de fabrication de l’électrode.
Image : vue 3D d’une cellule de la batterie Li-ion : image combinant différentes mesures par les techniques de caractérisation des neutrons et des rayons X (© Erik Lubke – ILL).
Collaboration : ILL, ESRF (Grenoble), le laboratoire Materials Center Leoben (Autriche) et la société Varta (Autriche).
Etudes développées dans le cadre de deux projets européens, ECO2LIB (H2020) et INNOVAXN (ITN Marie Curie) et du Battery Hub de Grenoble piloté par le CEA.